
Le 9 mars, le secrétaire d'État en charge des transports, Jean-Baptiste Djebbari, a réuni les acteurs d’une filière d’innovation qui, à peine née, se retrouve plongée dans les méandres du sauvetage des petites lignes ferroviaires. Lors de son déplacement en février à Orléans pour signer un plan d’action régional en faveur de ces lignes (voir ci-dessous notre article du 21 février), il en avait annoncé la couleur et plaidé pour qu'en émerge un "train léger", se substituant aux matériels lourds sur certaines petites lignes en vue d’y réduire les coûts d'exploitation et de régénération. Début mars, des précisions ont été apportées (voir ci-dessous notre article du 2 mars) ramenant vite au sujet, technique mais central, de l'adaptation possible des référentiels de maintenance et d’exploitation à la faible circulation de ces lignes. Un enjeu pas si nouveau en soi puisque, dès la fin 2018, le ministère a missionné le CGEDD sur le sujet.
Laisser espérer des gains futurs
Le préfet Philizot pointait déjà dans son rapport, du moins dans sa synthèse qui seule a été rendue publique, l'empilement chez SNCF Réseau de règles uniformisées, adaptées ni aux caractéristiques des voies et à l’intensité de leur usage, ni aux réalités locales. Le rapport Huneau présenté le 9 mars le complète et estime que sur ces lignes "faiblement circulées" - une moyenne de 13 trains et de 400 passagers par jour est avancée - le poids des charges d’infrastructure équivaut à celles des circulations des trains. Si bien qu'y diminuer les coûts d’exploitation et de maintenance présente "un impact significatif", à même d’améliorer le bilan socio-économique du service offert. Les gains attendus seraient de l’ordre, selon les sources consultées, de 20 à 70.000 euros par km et par an pour l’exploitation (gestion des circulations) et l’entretien courants. Un point sur lequel les régions sont tout ouïe puisque la gestion de certaines de ces lignes peut revenir à celles qui en feraient la demande (article 172 de la LOM), dans des modalités qui restent à préciser par décret.
Des référentiels mal adaptés
Le mérite du rapport est d'apporter un peu de lumière dans la jungle des référentiels. Il y en a 5.000 dont 1.500 pour le volet exploitation-gestion du trafic ! La direction générale de l'exploitation de SNCF Réseau cherche déjà à alléger ce corpus très encadré. Mais pas en priorité sur ces petites lignes. Sauf au travers d'un kit méthodologique, sorte de catalogue de solutions techniques, "largement exploratoire" et présenté d’ailleurs par un intervenant le 9 mars (voir encadré). Le CGEDD doute cependant que SNCF Réseau, "engagé dans une lourde évolution structurelle", soit vraiment disponible pour pousser plus loin cette démarche de simplification. D'où sa suggestion, en langage plus abscons, de "laisser aux régions et à leurs conseils la plus large latitude pour permettre aux candidats gestionnaires d'infrastructure d'optimiser leurs méthodes sous la contrôle de l'EPSF".
Calmer les irritants
Le rapport cite des cas où ces référentiels deviennent "irritants" pour gérer ces petites lignes. Exemple : lorsqu'un entretien est réalisé sur une ligne sous circulation, l'absence d'un outil adapté fait qu'en pratique, il "devient impossible" pour la SNCF de continuer à intervenir sans stopper la circulation. Nécessité de recourir à des engins de chantiers autorisés sur l'ensemble du réseau ferré national, interdiction sauf en de rares cas d'utiliser des matériaux recyclés, ce qui augmente le coût et l'impact environnemental de la maintenance, technologie informatique "surannée et sans analyse fonctionnelle du besoin"… Ces défauts n'incombent pas qu'à la SNCF, relèvent aussi de la réglementation nationale et européenne, mais beaucoup traduisent "la difficulté d’appliquer des règles générales conçues pour la gestion de lignes importantes et en quelque sorte surdimensionnées" pour ces lignes qui vivotent, majoritairement à voie unique, non électrifiées, à 40% hors d'âge et qui, même entretenues, n'ont pas été "le lieu privilégié pour des évolutions de technologie, comme de méthodes".
Retour à la case départ
S'il est possible d'alléger ces référentiels, bien qu'ils soient "conçus pour garantir la sécurité" et souvent classés confidentiels, le CGEDD conseille, au lieu de les spécifier, de partir d'une feuille blanche pour écrire des référentiels simples permettant d’envisager "l’emploi de ressources locales" tant en termes de matériaux, d'équipements que de personnels. Ce qui induit des enjeux de simplification de la documentation et de mise à disposition des connaissances sur les technologies propriétaires utilisées sur ces petites lignes. Or rendre public ce qui pourrait être "un des principaux actifs immatériels de la nouvelle SNCF Réseau" nécessite forcément des "précautions particulières", reconnaît la mission.
Comme cela a pu être fait sur les matériels roulants TER, la mission conseille en outre aux régions intéressées de réfléchir avec SNCF Réseau au développement de systèmes de gestion des transports (TMS) adaptés, supprimant des équipements au sol et facilitant la maintenance. L’attention est aussi portée sur les passages à niveau, nombreux sur ces lignes et dont la technologie reste "mal connue en dehors de SNCF Réseau". Des dispositifs moins exigeants, moins coûteux ont, là aussi, tout intérêt à être imaginés et étudiés de près par les régions.
Des règles européennes inappropriées
Pour sortir les petites lignes du giron des normes techniques européennes trop exigeantes pour elles, un levier existe : un décret de mai 2019 (transposant une disposition européenne de 2016), qui pourrait lister, via un arrêté qui reste à prendre, celles qui sont réservées à un usage local. Pour autant, le CGEDD ne recommande pas, craignant un imbroglio administratif, d'envisager de s'affranchir sur ces lignes d'intérêt local des spécifications techniques d'interopérabilité (STI).
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